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Brieuc Bouwens

Visite du diplôme de l'artiste Brieuc Bouwens (Atelier Stéphane Calais, ENSBA Paris)

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5 juin 2023

C’est à la fois aujourd’hui jusqu’à 22 h dans la cour vitrée des Beaux-Arts et dans l’exposition « Sur le feu » côté quai Malaquais que Brieuc Bouwens déploie son univers urbain et coloré. Il installe ses sculptures à l’équilibre précaire là où tout n’est que faste, silence et orthogonalité. De prime abord, tout semble ludique. Bleu, vert, rouge se répartissent dans l’espace, se répondent et rebondissent. Nos regards agressés quotidiennement par des publicités de plus en plus criardes se retrouvent apaisés de voir ces couleurs domptées entre quatre murs. 

 

Dans Simulacres et simulation, Baudrillard écrivait : « on voit que la publicité […] est ce qui efface les murs, efface les rues, les façades et toute l’architecture, efface tout support et toute profondeur, et que c’est cette liquidation […] qui nous plonge dans cette euphorie stupéfiée, hyperréelle, que nous n’échangerions plus contre quoi que ce soit d’autre, et qui est la forme vide et sans appel de la séduction. ». Mais ici, point de vide, chaque chose est à sa place. 

 

Et si tout semble tenir à un fil — parfois très littéralement —, l’accrochage imaginé par l’artiste résiste fermement, campé sur ses appuis. Comme au centre d’un carrousel, un palmier de fortune nous attire dans une ronde hypnotique. Je suis happée par les vestiges de ce qui fut un amoncellement d’affiches publicitaires. L’on pense Villeglé, l’on pense Hains. Et de ce qui était à l’origine en deux dimensions, de ce qui se devait d'être lisse surgit une forme sculpturale à la surface bosselée — pied de nez à notre volonté croissante d’effacer toute aspérité, notre quête d’images et de réalités toujours plus polies. De la publicité naît, sans le vouloir, une écorce rugueuse, une forêt de papiers amoncelés d’où émerge parfois la fourrure redoutable d’un félin. Nature et culture. À l’urbanisation intensive, à la neutralité de la facture ; Brieuc oppose un retour à la subjectivité, à l’accident, à la trace de l’artiste. Il se réapproprie les formes de nos quotidiens hexagonaux et les confronte à un monde toujours plus globalisé. 

 

L’artiste réinvestit le réel, rejette l’abstraction. Et cette marée grandissante de stickers, cette superposition permanente de signes ne fait que rajouter à la concrétisation des œuvres, à leurs refus de s’arracher du monde. Bien au contraire. Brieuc Bowens nous rapproche des productions humaines dont on aurait souhaité se débarrasser. Il nous confronte à notre mode d’existence hors-sol, déconnecté de la réalité. Une œuvre acerbe qui déjoue et détourne les codes du capitalisme et du consumérisme. L’artiste sabote notre besoin constant de nous éloigner et nous extraire de ce que « les économistes appellent les externalités de la production » (H. Houdayer dans « Les déchets, métamorphoses et arts de déchoir »).  

 

Du bucket KFC (Killing French Culture) taillé grossièrement dans le bois au panneau publicitaire renversé et recouvert de stickers, en passant par la carotte de tabac et les pigeons parisiens, Brieuc Bouwens nous renvoie à nos incohérences. En partant, il me parle d’Instagram comme de la vitrine d’un magasin de bonbons. Et finalement, cette image est assez juste. Seule différence, lorsque l’on ressort de son échoppe, c’est avec un goût doux-amer. 

 

Il y a aussi du Warhol, du Oldenburg, du Scurti, du Gaillard dans son travail. Mais chacune de ces citations est réinvestie avec un brin d’impertinence et beaucoup de poésie. 

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